« Il est incroyable que la perspective d'avoir un biographe n'ait fait renoncer personne à avoir une vie. » [1]
J'ai toujours perçu le Journal comme étant l'antidote que Camus a trouvé pour lutter contre l'effroi cioranien :
« Le journal, par définition, est la forme littéraire où sont le plus près d'être une même chose écrire et être – être et peindre aussi bien, car on peut supposer qu'il en va de même en peinture. J'aime à parler de graphobie, qui serait l'inverse de la biographie, plutôt le fait d'écrire sa vie, de la diriger comme une phrase, de la composer comme un livre, et ses journées, ses heures, comme autant de chapitres ou de paragraphes, d'entrées. » [2]
Le Journal comme vie qui raconte le Journal, pas comme Journal qui raconte la vie, vie qui prend toute sa valeur écrite.
« Journal : le besoin de consigner toutes les réflexions amères, par l'étrange peur qu'on arriverait un jour à ne plus être triste... » [3]
Eh bien non, pourrait dire Camus, je vais avoir une vie riche et dense, je considèrerai l'ennui comme le pire des crimes, et le biographe de cette vie, ce sera moi : mieux, ma vie sera le biographe de mon Journal.
Notes
[1] Cioran, De l'inconvénient d'être né
[2] Camus, Discours de Flaran
[3] Cioran, Le crépuscule des pensées
08/04/16
Il y a 8 ans
8 commentaires:
J'ai souvent pensé que Camus pouvait parfois être un plagiat de Cioran mais de manière involontaire.
Mais je ne développerai pas cette idée car je sais l'amour que vous portez à ces deux écrivains.
Et vous, que pensez vous de l'ennui ?
J'ai souvent pensé que Camus pouvait parfois être un plagiat de Cioran mais de manière involontaire.
Mais je ne développerai pas cette idée car je sais l'amour que vous portez à ces deux écrivains.
Et vous, que pensez vous de l'ennui ?
Pardon pour ce message double
Camus plagiat de Cioran ? Diantre foutre ! Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère vous !
Mais développez donc au contraire !
Pour ma part, je trouve qu'il y a au moins deux choses qui les séparent :
1- Leur conception de, et leur psitionnement par rapport à, l'écriture.
Cioran rêve de concision, de fragment métonymique, de formule qui fait mouche, il rejette tout développement (ou presque) et vise l'os, le nerf.
Camus, lui, écrit dans un but d'exhaustivité, comme pour épuiser le réel, régler son compte et se défaire de ses "opinions" (il disait dans une émission de radio que le but de l'écriture était de transformer ses opinions en art, oeuvre littéraire), tout doit être écrit.
Il est d'ailleurs amusant de constater à quel point, proportionnellement à la masse de l'oeuvre camusienne, presque aucun aphorisme ne peut se détacher et relever de celle-ci (nous savons ce qu'il en est de Cioran).
2- La perception de l'ennui. Ce dernier est le moteur de Cioran et l'objet de tout le mépris de Camus.
Quant à moi, l'ennui est bien mystérieux, car il est l'habit de mon impatience.
Ce que je m'emmerde quand j'attends !
Justement c'est pour éviter l'ennui, objet de mépris, que Camus écrit et c'est le même ennui qui faisait écrire Cioran donc je n'y vois pas une grande différence.
Comme je vous l'ai dit je ne développerai pas cela mais pour vous avoir lu sur la SLRC on pourrait penser que vous avez vous même pensé cela pour certains sujets car bien sûr je ne parle pas de l'oeuvre complète mais bien de certains sujets
Pour être tout à fait honnête, je me demande si Camus a déjà lu Cioran (et j'en doute).
Ce qui m'intéresse, c'est justement de trouver des échos chez Camus de Cioran, car Camus a une personnalité et une culture, ce me semble, radicalement opposée à Cioran : de ce choc peut naître une réaction "chimique".
Ne peut-on se défaire de ses opinions sans épuiser le réel ?
N'avez vous jamais eu l'envie d'après vos propos d'aphorismer Camus ?
Oui,l'art transforme la vie en art.
Je n'ai jamais connu l'ennui... mon impatiente est nue et animale.
Et vous l'espérance, à quoi ressemble votre ennui?
Je crois l'avoir déjà fait, mais je vous recommande la lecture du petit opuscule de Cioran : De la France.
Qu'il faudrait rapprocher des propositions camusiennes sur le sujet.
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